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Techniques de l’épigraphiste : le pense-bête de Prosper.

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Si Prosper Mérimée fait porter à sa Vénus d’Ille deux inscriptions latines et cueille ainsi l’occasion de croquer une scène hilarante  de « conférence scientifique » menée par M. de Peyreorade, transformé en épigraphiste amateur, c’est parce que, dans sa brillante carrière, Prosper Mérimée s’intéressa aussi de très près aux inscriptions1. Ainsi, eut-il l’occasion de rédiger un jour, une note minuscule, que l’Institut jugea pourtant bon de conserver. Décision heureuse, puisque cette note correspond, presque point par point, à chacune des étapes illustrées dans la vidéo « Les techniques de l’épigraphiste : l’estampage papier ». La voici2 :

 

« Voici les diverses opérations à pratiquer :
Nettoyer, en la brossant avec soin, l’inscription ou la sculpture dont on veut prendre l’empreinte ;

Appliquer dessus une feuille de papier fort, non collé et dont on se sert dans les imprimeries ; ce n’est qu’à son défaut qu’il faudrait prendre du papier collé, qui vaut moins pour cet usage ;

Mouiller légèrement ce papier avec une éponge humectée, jusqu’à ce qu’il soit devenu parfaitement souple et qu’il se colle sur la pierre que l’on veut estamper ;

Appuyer sur ce papier une brosse à poils longs et doux, comme celles dont on se sert pour nettoyer les tables ou pour brosser les chapeaux. — Les brosses à chapeaux sont peut-être un peu molles. —Presser et frapper à petits coups, de façon que le papier entre dans le creux des lettres ou de la sculpture, et qu’il prenne tous les contours en relief ;

Laisser sécher aux trois quarts le papier ; l’enlever avec précaution de dessus la pierre ; attendre qu’il soit entièrement sec. Alors, on peut l’envoyer où l’on veut sans avoir à craindre que l’empreinte ne s’efface. Il vaut mieux ne pas laisser sécher entièrement le papier sur la pierre, parceque le retrait provenant de la dessication le ferait crever ;

Si, pendant qu’on mouille avec l’éponge ou qu’on frappe avec la brosse, le papier se crève, on peut mettre une pièce sur la partie ouverte ; on mouille la pièce jusqu’à ce  qu’elle fasse pâte avec la feuille entière, et s’y soude. Elle adhère en séchant, et fait un tout avec la pièce lorsqu’on la retire. »

 

Ce résumé de l’estampage en six étapes a été écrit à l’occasion d’un rapport  sur une inscription visible à Saint-Laurent, commune des Basses-Alpes d’alors. Cette note se voulait simple et pratique, peu approfondie, car destinée à permettre au préfet, qui honora de sa présence le moment où fut pratiqué l’estampage, de le réaliser lui-même. Retenue ultérieurement d’intérêt par l’Institut, elle fut publiée dans l’un de ses comptes-rendus en 18403.
Ces instructions de Mérimée apportent  de menus et pratiques compléments d’informations au regard de la vidéo sur l’estampage actuellement publiée dans ce carnet, à savoir :

- La solution du colmatage, sorte de « rustine » en cas de papier abîmé avant ou pendant l’exécution de l’estampage ;
- La possibilité envisageable d’humecter, non pas le support, mais le papier lui-même. Le choix d’humecter le support ou le papier se fait en en appelant au bon sens au regard des conditions d’estampage et de l’épaisseur du papier ;
- L’attention à porter au rapport entre le degré effectif du séchage et le moment du retrait de l’estampage de son support.

Volontairement  concise et pratique, cette note est sans commune mesure avec les instructions détaillées et approfondies, la description des différents matériaux et techniques, les conseils de bon sens et les retours d’expérience contenus dans un manuel d’épigraphie comme celui, par exemple, de Di Stefano Manzella4 , ou présentés sous la plume d’Emil Hübner (1834-1901), dont le propos sur l’estampage papier est traduit en français5 . Ces deux références fournissent une couverture exhaustive, détaillée et précise sur le large choix de techniques de reproduction des inscriptions. Dans tous les cas, il est important de noter sur l’estampage lui-même le numéro d’inventaire de l’inscription, s’il existe, ou tout moyen d’identifier l’artefact, au risque de ne jamais pouvoir par la suite associer l’estampage au support qui lui correspond.
Un pense-bête de Mérimée, les connaissances détaillées et complètes d’épigraphistes renommés, des films, aussi illustratifs qu’instructifs, sont des instruments utiles et nécessaires. Ils préparent et complètent l’expérience acquise par la pratique. Ils ne permettent jamais l’économie de la réflexion, ni celle de prises de décisions, même minimes, au moment de la réalisation.
Aussi les conseils de Prosper Mérimée, ou ceux fournis ailleurs, sont à appliquer avec le même sens critique au moment de la mise en pratique, que pour toute autre démarche technique. Il en va de même, à un degré bien plus soutenu, avec les pratiques numériques.

À défaut, on peut toujours prendre une leçon auprès de M. de Peyreorade :

  1. Voir la biographie de Prosper Mérimée (1803-1870) sur le site du Ministère de la Culture
  2. Retranscrite ici avec son orthographe originale, comme, par exemple : « parceque », « dessication », etc.
  3. Sur une inscription romaine, relative aux repas dits rosales et vindemiales, in « L’Institut : journal général des sociétés et travaux scientifiques de la France et de l’étranger. 2e section, Sciences historiques et philosophiques. » vol. V. 1840. p. 183.
  4. Voir les chapitres « 3. Ripresa fotografica » et « 4. Calchi cartacei », in Il mestiere di epigrafista, Roma : Quasar, 1987, p. 23-31, fig. 1 p. 249 et  p. 240 (légende).
  5. “Anhang III. Instruction pour l’estampage des inscriptions (französische Bearbeitung des Abschnittes III) “in Über mechanische copieen von Inschriften, Berlin : Weidmann, 1881, p. 24-28. En ligne et consulté le 29 janvier 2012.

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